mardi 16 novembre 2021

7,8 Hz

Lisbonne, le 13/11/2021

                                                                 

 7,8 Hz 

Art de la rencontre amoureuse fugitive, éphèmère et sans bruit

« Il faut que tout change pour que rien ne change » 
Tancredi dans Le Guépard de Tomasi di Lampedusa, filmé par Visconti.


7,8 Hz est la fréquence de la résonance électromagnétique globale de la terre, produite par l'activité de la foudre dans la haute atmosphère. C'est aussi la fréquence des ondes cérébrales humaines qui se manifestent dans un état détendu et rêveur. 

Cette courte fiction est inspirée de faits réels qui se superposent dans une dimension qui échappent à ces protagonistes...

L'unité de temps et d'espace est marquée par une crise climatique mondiale et un état d'isolement social aux conséquences psychologiques profondes.

Le lecteur attentif pourra deviner la vacuité des intentions et l'inhibition de l'acte essentiel de son narrateur, provoquant la naissance d'un amour neuf et illimité.


Elle

Jeune femme fine et brune, ses bottes noires et sa jupe en tweed lui donnent l'allure d 'une actrice de cinéma italien. 

L'écho personnifié de La Dolce Vita de Fellini résonne tout autour de moi lorsque sa voix prend son envol et qu'elle échange quelques mots avec l 'hôtesse d'accueil de l'exposition de l 'artiste Carsten Höller. Etrange tourbillon qui fait place à un langoureux vertige, comme l'ecrivait le poète jadis.

Elle pourrait aussi être l'héroïne d'un roman de Tchekov: malgré le masque que tous les visiteurs portent en cet endroit clos, les traits fins de son visage dessinent une arabesque, sa frange noire est une confidence indécente. 

Trouble et confusion s'empare de ma poitrine. Une onde légère se dissipe lorsqu 'elle tourne la tête. Dans l'obscurité naissante à l 'approche de l'entrée du labyrinthe hermétique à toute lumière, les mots deviennent superflus et les regards suspendus.


Lui

Il vient de d'entrer dans le corum de cette cathédrale moderne et se lance dans une danse improvisée rythmée par la seule dynamique des spots polychromes qui suivent ses pas en zig-zag: c'est l 'artiste machine qui joue avec son mouvement. 

Il prend plaisir à s'abandonner à ce ballet et joue comme l 'enfant, sans autre dessein que d'explorer la nature de l 'espace environnant et s'étonne du mystère crée par l 'artiste. Le Deus ex machina est  un pantin facétieux pense-t-il.

Il a deviné la présence de cette lointaine planète à quelques pas de lui. Elle encore. 

L 'espace n 'est plus que son oeuil noir perçant la nuit et le jour réunis, mon corps tout entier impregné par sa présence et pourtant si lointaine à tout mon entendement. Je suis le sourd et l 'aveugle en cet instant.

Il revient se glisser dans la file d'attente qu 'il avait fui quelques minutes avant, dès lors qu 'il avait deviné sa présence...

Elle pourrait être ce monde nouveau à découvrir. Alors, avec la diligence d'un petit singe qui aurait vu la force cosmique se diriger sur lui, il fuit avec indolence et tente de se glisser dans la file avec la plus grande discrétion. Mais c'est déjà un aveu de défaite que de perdre le contrôle de son état, tourbillon émotionnel...Et le singe est devenu homme.. Puis l 'homme devint enfant. Renaissance. 

Elle est un miroir si troublant, sa propre image ne peut se refléter devant tant de beauté. Sa frange noire et ses yeux perçants sont des pouvoirs divins, redoutables; il ne saurait apprivoiser ni contenir cette présence et cette force gravitationnelle. Presque dans un songe, avant l 'entrée dans ce labyrinthe et ces minutes interminables où tous les mots lui sont interdits et les regards insoutenables.

Il cherche l 'absolution en détournant sa tête, il ne saurait regarder celle qui lui inflige ce tourment indécent.

Alors ils entrèrent dans ce labyrinthe opaque et, comme dans le centre d 'un trou noir qui a anéanti le temps...il entend ce mot "Sorry ! "... Il répond "I 'm lost". Elle sourit, peut-être. Il le supposera plus tard. 

C'est une dimension éteinte et naissante à la fois qui se déroule entre eux. Malgré eux. L'état d'apesanteur des protagonistes est tel qu'ils ne sauraientt s'attirer sans tout à fait s'abandonner. Les vulnerabilités sont au firmament, si intenses dans ce noir profond, toute armure sensorielle est un langage.  Chaque regard manqué un témoignage.

Il aurait tellement voulu lui dire ces mots s il  avait vaincu ce monstre insoumis qui fait cogner son coeur: "I love you". 

Dehors, le crépuscule rose donne à la ville fleuve une allure des plus belles scènes de cinéma. Le vif éclair oranger, présage un rayon vert. Mais le temps est revenu et elle s 'en est allée comme l 'eau glisse sous le pont suspendu des amants égarés.

Lasse de ne pas voir dans son oeil une promesse condensée... 

Une matière nouvelle, une éclosion d'amour - tango - aurait pu tout changer si il avait trouvé le courage de saisir l 'instant, sa main peut-être, et poursuivre avec elle le chemin qui mène au néant dans la plus intense joie et la douceur de l 'aube.










 




dimanche 25 avril 2021

Lettre à Clipperton



   C'est un anneau de roche de lave et de sable blanc dans le pacifique sud. Une terre si lointaine située au large du golfe du Mexique qu'elle fût jadis oubliée avant de devenir une terre de conquête.

Aujourd'hui elle est encore le refuge de prédilection des Fous bruns et du Crabe rouge, présent par milliers d'individus rassemblés en cohortes lancinantes comme de minuscules cavaliers oranges guidés par la lumière étincelante du soleil de Mai. Des dauphins et de nombreux oiseaux sont parmi les élus de cette île singulière.

 


   La première fois que mes pieds se sont sont posés sur ton sol j'ai ressenti une étrange impression. Le monde avait un bout et que tu en étais le point cardinal. Depuis ma mémoire se perd parfois à rassembler les pièces de ce puzzle improbable.

Comment ne pas avoir le coeur qui se serre en voyant ces cadavres plastiques multicolores recouvrir tes plages, pénétrer les eaux troubles et saumâtres de ton lagon autrefois couleur azur ? 

À cette force majestueuse émanant de ta seule présence, enclave minérale émergée à des milliers de kilomètres de l'Amérique Centrale, s'ajoute une histoire séculaire de visiteurs et de soldats, d'expéditions et de naufrages, une Histoire à écrire et à t'envoyer... Code postal 98799.

jeudi 4 mars 2021

 


Le gîte et la plume


C'est un gîte abrité des tempêtes et des grandes marées

En son sein règne une légère et volupteuse brise fraîche

Et le parfum vaporeux des chataignes d'antan

Qu'une main bienveillante a su cueillir dès l'aurore.



Il y'a son sourire qui imprègne les pièces sombres

Et son âme vagabonde flottant dans chacune des chambres

Elle

Portant le futur enfant, ce soleil éclaté

Et sa mère à coté qui rie et rie encore

Défiant le monde et le temps par son inextinguible douceur


C'est un gîte

Jadis une maison

Naguère un refuge

Et les pas des visiteurs et amis

Qui donnèrent à ce lieu son empreinte et sa plume


Sur le marbre froid des marches du portique

Je m 'abrite en silence

Écoutant les oiseaux de passage

Et les arbres qui dansent leur parabole au passage du vent


Quelle étrange décalage que cette maison organique et minérale

Ce mélange exquis qui s'incline face à l'oubli et au souvenir

Et cette immense force qui jaillit de la pierre

Abritant autrefois les êtres les plus chers et les plus aimants.



 

vendredi 28 août 2020

Solstice


                                                                  

    Nos deux mains se joignent

    Et soudain l'éclatant soleil

    De nos contacts épidermiques

    Et la valse lente de nos promesses 

    Dansantes du crépuscule jusqu'à l' aube.

    Lorsque les paupières se ferment

    Et que leurs caresses glissent sur nos visages endormis comme des fils de soie,

    Il y'a cette lenteur et cette pesanteur qui prennent place autour, dans le silence, au bord de l' abîme

    Vertige du matin de nos corps tombés dans la mer.


    Souvent je revois ces instants 

    Las de ne pas avoir su les retenir assez de temps.

    Je repense alors à la joie spontanée et aux éternels soleils

    Des mots à moitié prononcés, étouffés de baisers.

    Je revois là cette main, et ce sourire vermeil.

    Et je me demande encore:  "N'a-t-on jamais assez aimé ? "


mardi 30 juin 2020

La plume et le vent

 


La plume et le vent

Dans un élan vertical, la sterne prend son envol
Perçant l ' azur de son trait aérien
Comme une flèche noire écorchant un coeur pur
Elle laisse une fine trace de sa plume tomber
Et, par delà l' océan aux mille reflets d' argent
Elle semble danser un ballet facétieux le long des golfes clairs.


La plume est son présent
Offert à nous, simples terriens
Pour tisser une trame à nos histoires
Et raconter le miracle de l' avoir vu voler.

lundi 29 juin 2020

Mensagem de amor




Mar Português

Ó mar salgado, quanto do teu sals
ão lágrimas de Portugal!
Por te cruzarmos, quantas mães choraram,
Quantos filhos em vão rezaram!

Quantas noivas ficaram por casar
Para que fosses nosso, ó mar!Valeu a pena?
Tudo vale a pena
Se a alma nao é pequena.

Quem quer passar além do Bojador
Tem que passar além da dor.
Deus ao mar o perigo e o abismo deu,
Mas nele é que espelhou o céu.               

Fernando Pessoa, in Mensagem

samedi 16 mai 2020

St Georges

Derrière le rideau.

Les artistes sont absents, confinés et privés d' expression culturelle.
Pourtant les textes et les auteurs demeurent, la force de l' immatériel réfute l'aggression virale et le blocus sanitaire en cours.

Les supports changent mais les textes résistent, les moyens de diffusion ont permis de révéler les Tartuffes et Malades Imaginaires (sic Molière) sur des supports techniques accessibles et mobiles.
Mais le souffle de l' expression, la spontanéité des émotions et le dialogue intime entre les com̨édiens et le public, faits de chuchotements , de cris et d' applaudissements, sont en suspens.

Blessure grillagée des mots enfermés, des jeux de scène invisibles et de paroles d' artistes emmurées.
Vivement le jaillissement de nos vitales retrouvailles avec ce monde à huis clos.