Lisbonne, le 13/11/2021
7,8 Hz
Art de la rencontre amoureuse fugitive, éphèmère et sans bruit
7,8 Hz est la fréquence de la résonance électromagnétique globale de la terre, produite par l'activité de la foudre dans la haute atmosphère. C'est aussi la fréquence des ondes cérébrales humaines qui se manifestent dans un état détendu et rêveur.
Cette courte fiction est inspirée de faits réels qui se superposent dans une dimension qui échappent à ces protagonistes...
L'unité de temps et d'espace est marquée par une crise climatique mondiale et un état d'isolement social aux conséquences psychologiques profondes.
Le lecteur attentif pourra deviner la vacuité des intentions et l'inhibition de l'acte essentiel de son narrateur, provoquant la naissance d'un amour neuf et illimité.
Elle
Jeune femme fine et brune, ses bottes noires et sa jupe en tweed lui donnent l'allure d 'une actrice de cinéma italien.
L'écho personnifié de La Dolce Vita de Fellini résonne tout autour de moi lorsque sa voix prend son envol et qu'elle échange quelques mots avec l 'hôtesse d'accueil de l'exposition de l 'artiste Carsten Höller. Etrange tourbillon qui fait place à un langoureux vertige, comme l'ecrivait le poète jadis.
Elle pourrait aussi être l'héroïne d'un roman de Tchekov: malgré le masque que tous les visiteurs portent en cet endroit clos, les traits fins de son visage dessinent une arabesque, sa frange noire est une confidence indécente.
Trouble et confusion s'empare de ma poitrine. Une onde légère se dissipe lorsqu 'elle tourne la tête. Dans l'obscurité naissante à l 'approche de l'entrée du labyrinthe hermétique à toute lumière, les mots deviennent superflus et les regards suspendus.
Lui
Il vient de d'entrer dans le corum de cette cathédrale moderne et se lance dans une danse improvisée rythmée par la seule dynamique des spots polychromes qui suivent ses pas en zig-zag: c'est l 'artiste machine qui joue avec son mouvement.
Il prend plaisir à s'abandonner à ce ballet et joue comme l 'enfant, sans autre dessein que d'explorer la nature de l 'espace environnant et s'étonne du mystère crée par l 'artiste. Le Deus ex machina est un pantin facétieux pense-t-il.
Il a deviné la présence de cette lointaine planète à quelques pas de lui. Elle encore.
L 'espace n 'est plus que son oeuil noir perçant la nuit et le jour réunis, mon corps tout entier impregné par sa présence et pourtant si lointaine à tout mon entendement. Je suis le sourd et l 'aveugle en cet instant.
Il revient se glisser dans la file d'attente qu 'il avait fui quelques minutes avant, dès lors qu 'il avait deviné sa présence...
Elle pourrait être ce monde nouveau à découvrir. Alors, avec la diligence d'un petit singe qui aurait vu la force cosmique se diriger sur lui, il fuit avec indolence et tente de se glisser dans la file avec la plus grande discrétion. Mais c'est déjà un aveu de défaite que de perdre le contrôle de son état, tourbillon émotionnel...Et le singe est devenu homme.. Puis l 'homme devint enfant. Renaissance.
Elle est un miroir si troublant, sa propre image ne peut se refléter devant tant de beauté. Sa frange noire et ses yeux perçants sont des pouvoirs divins, redoutables; il ne saurait apprivoiser ni contenir cette présence et cette force gravitationnelle. Presque dans un songe, avant l 'entrée dans ce labyrinthe et ces minutes interminables où tous les mots lui sont interdits et les regards insoutenables.
Il cherche l 'absolution en détournant sa tête, il ne saurait regarder celle qui lui inflige ce tourment indécent.
Alors ils entrèrent dans ce labyrinthe opaque et, comme dans le centre d 'un trou noir qui a anéanti le temps...il entend ce mot "Sorry ! "... Il répond "I 'm lost". Elle sourit, peut-être. Il le supposera plus tard.
C'est une dimension éteinte et naissante à la fois qui se déroule entre eux. Malgré eux. L'état d'apesanteur des protagonistes est tel qu'ils ne sauraientt s'attirer sans tout à fait s'abandonner. Les vulnerabilités sont au firmament, si intenses dans ce noir profond, toute armure sensorielle est un langage. Chaque regard manqué un témoignage.
Il aurait tellement voulu lui dire ces mots s il avait vaincu ce monstre insoumis qui fait cogner son coeur: "I love you".
Dehors, le crépuscule rose donne à la ville fleuve une allure des plus belles scènes de cinéma. Le vif éclair oranger, présage un rayon vert. Mais le temps est revenu et elle s 'en est allée comme l 'eau glisse sous le pont suspendu des amants égarés.
Lasse de ne pas voir dans son oeil une promesse condensée...
Une matière nouvelle, une éclosion d'amour - tango - aurait pu tout changer si il avait trouvé le courage de saisir l 'instant, sa main peut-être, et poursuivre avec elle le chemin qui mène au néant dans la plus intense joie et la douceur de l 'aube.